La poussière ocre volait dans l’air surchauffé par le soleil. Les ruines de Jérusalem se dressaient encore dans une agonie obstinée au milieu de la plaine ravagée par les vents. Les piliers se dressaient avec une fierté qui semblait défier l’érosion, et même si le temps les avait desséchées, les portes du temple de Salomon tenaient toujours dans leurs gonds.
La ville semblait comme figée dans le temps, piégée entre une splendeur passée et la disparition qui attend toute œuvre humaine délaissée.
Plus de dix mille ans après sa construction, la vile de Jérusalem, comme beaucoup d’autres, avait été abandonnée par l’humanité. Les progrès technologiques avaient permis de quitter la vieille terre menacée par le cycle de vie finissant de son soleil. La couche d’ozone constellée de trous, reliques des erreurs humaines, ne protégeaient plus que quelques insectes et les rares animaux qui avaient su s’adapter à la fournaise terrestre.
Au milieu de cet enfer, deux silhouettes encapuchonnées parcouraient les rues poussiéreuses avec une démarche qui aurait pu paraître méfiante à un autre spectateur que les étendues dévastées. Les deux hommes avançaient péniblement, marchant contre ce vent furieux qui soufflait désormais sur l’ensemble de la planète agonisante, ils marchaient vers le temple.
Arrivés devant les portes, l’un d’eux leva les yeux, une expression admiratrice sur son visage buriné :
- Avouons quand même qu’on savait construire, à cette époque, incroyable que ce temple soit encore debout après tout ce temps !
- Le pouvoir de la Foi qui l’imprègne le protège du temps, et il le protègera encore bien après notre mort.
Les deux hommes entrèrent, profitant d’un entrebâillement des portes, et traversèrent le temple jusqu’à l’autel.
- C’est ici ?
- Il semblerait, oui, procédez, frère
Le deuxième homme sortit un grimoire des dessous de sa robe de bure, l’ouvrit, et commença à réciter des paroles latines. Alors qu’il avançait dans le texte, l’autel de pierre luisait d’un éclat progressivement éblouissant. Au dernier mot :
- AMEN
L’autel vola en éclat, ne laissant qu’une brume rougeâtre. Celle-ci se densifia, se regroupant pour former comme un écran.
- Et maintenant ?
- Maintenant, laissons agir le miracle divin.
L’écran de brume sembla onduler, puis une excroissance se forma, un bras ridé, usé, en sortit en tendant faiblement un gobelet de terre. La seconde silhouette s’approcha, et tout en courbant la tête, s’agenouilla et reçut dans ses mains le récipient. Puis le bras s’effondra et disparut dans la fumée qui commençait déjà à se dissiper.
Le deuxième homme se releva, absorbé par l’objet qu’il tenait dans ses mains. Un instant de silence perdura avant que la sa voix rendue rauque par l’émotion n’énonce :
- Partons, maintenant, cette planète est définitivement stérile.
- Bien, père abbé.
Trois jours plus tard, des émissaires allèrent au quatre coins de l’univers prévenir les puissants que l’ordre des chevaliers du temple venait de renaître.